* I used to be able to cry but now I am beyond tears *
Sarah Kane - 4.48 Psychosis
Chaque
semaine
allongée
face à la porte
derrière
le scellé d’une scène de crime
elle
remet l’horreur en mots.
Assise
sur une pile de corps pénétrés
elle clame
à qui l’écoute que
-l’amour
est un tour de passe-passe hormonal pour favoriser la reproduction et ainsi
assurer la survie de la race
-l’amitié
est un lien nécessaire qui rassemble les individus au sein d’un groupe pour se
protéger des prédateurs
-et qu’au-delà de tous ces liens factices et d’arrangements pour couvrir ses
arrières
il n’y
a que le silence.
Ses
ancêtres pourrissent dans le sol
leur indicible
douleur
est le
terreau de ce silence
et des
principes de précaution qu’on lui dicte et qu’elle suit à la lettre.
Chaque
semaine avec ses mots
elle
tente de tisser des liens conjugués au passé
elle les
accroche aux poignets des anciens pour en faire des pantins
et transformer
leurs ombres en un théâtre avec lequel elle est autorisée à jouer
en
famille, surtout.
« Le
matin, quand je me lève »
dit-elle
« mon
visage est gris, comme si je mourrais pendant la nuit. Je crois que je vais les
rejoindre. Je crois que tous les matins, ils me renvoient chez les presque
vivants pour accomplir je ne sais quelle tache. Il faut du temps et puis
beaucoup d’eau chaude pour que ma peau se recolore. »
Parfois
aussi,
elle
sort en secret
pousse
la porte, détache le scellé
se
faufile au dehors, malgré les avertissements
parfois
s’approche doucement, sans bruit
se fond
dans la foule
pour
harponner ici ou là
un cœur
ou deux
deux corps
ou trois
qui
ramènent de la vie dans sa tête infertile.
Elle
pose une main sur une épaule
et de
ses pattes araignées tombe un minuscule fil de soi
dont
elle se fait un cocon accroché à un autre
alors
chaque
geste de l’autre resserre l’étreinte
chaque
mouvement l’étouffe un peu plus
chaque
mot est un couperet tranchant
son
pauvre fil de soi minable
« Tes
mots, mon amour, me donnent envie de vomir »
dit-elle
en rentrant dans son antre.
Et puis
du dessous de la tombe dont elle a fait son trône
ricanent
ses ancêtres
« On
te l’avait bien dit »
disent-ils
« On
te l’avait bien dit que nous serions toujours les seuls à te rester fidèles. »
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