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jeudi 29 octobre 2009

Ha si j'étais un homme...

* J'ai même pas vu que t'étais mal
Que ta peau était pire que pâle

T'avais plus faim, t'étais que dalle

Que tu flottais dans le canal *


J'étais accoudé au bar et je la regardais. Elle dansait au milieu de la piste en souriant. Robe courte. Noire. Sexy. Cheveux collés sur le front. Bouche... pulpeuse. Elle dansait en souriant, les yeux fermés, faisait des grands gestes avec les bras, des gestes comme des lianes. Elle dansait sans écouter la musique. C'est la première chose que je me suis dite.

Quand elle a ouvert les yeux, ses pupilles m'ont crucifié, moi, là, au bar accoudé, accroché au formica comme un insecte. Des pupilles comme des flèches qui m'avaient choisi alors que j'avais rien demandé. Et sur ses lèvres, plus de sourire. Un pincement, une crispation, acérée sur sa ligne de mire. Elle est sortie de la foule, je le jure, sans toucher personne, sans que qui que ce soit s'en aperçoive, elle est sortie de la foule et je suis sûr que la musique s'est arrêtée. En tout cas pour moi, en tout cas pour nous. Elle s'est approchée trop près, beaucoup trop près.

Quelques mots.
"C'est un vertige. Mon corps est un vertige."

Et elle a disparu. Le temps d'un clignement de paupière. La musique a repris son rythme et elle sa danse, comme s'il n'y avait rien eu d'autre que mon imagination.

Mais je la regardais et j'ai bien vu qu'elle ne dansait plus.
Non.
Elle se débattait.
Elle étouffait.
Moi, je la regardais. Et je n'ai rien fait.

Il parait que le reste s'est passé très vite. Une décharge électrique et un nerf qui claque. Une étincelle. Elle a pris feu et elle s'est consumée au milieu des danseurs qui ne la regardaient pas.

Moi, je regardais.
Et je n'ai rien fait.
Si ce n'est disperser ses cendres en les foulant au pied au milieu de la piste de danse.

mardi 27 octobre 2009

Une semaine de rêve.


Je suis frigorifiée.
Je tire sur la corde depuis que tes yeux ont largué leurs amarres dans les miens.
Je tire sur la corde mais y'a rien qui vient.


Je me laisse aller à deux heures du matin, trois coups dans le nez et des cadavres sur les mains, je me laisse aller dans mon lit glacé, jonché de papiers dans mes draps rigides où l'écho ne sonne plus que dans le vide dans l'échographie de mon cerveau en vrille je laisse tout aller je ne sais plus manger, des riens ou des trop, je me laisse aller sur mon parquet salis par les pieds dénudés d'amants déjà partis, je me laisse aller dans mes nuits d'insomnie, poudre blanche aux yeux à faire fuir ceux que je voudrais aimer du mieux que je peux, je me laisse aller dans une détresse trop forte, trop plein de mots qui grondent derrière la porte à faire trembler les murs et moi de peur, je me laisse aller, je me laisse descendre, sur mon oreiller inondé d'encre où je passe mes nuits à hurler dans mes mains pour que tu me sortes de là, que tu arrêtes tout ça, pour que tu reviennes me dire que je suis belle et que ça ne veut rien dire d'autre que ça, que tu m'attrapes par les poignets et me fige face au ciel, pour que j'y crois, pour que plus jamais je me laisse aller dans mon appartement dévasté à m'écrouler du canapé et sentir des bosses sur mon front, je me laisse aller à tous vous dégoûter pour que vous me foutiez la paix, je me laisse aller à mon exode mental, à mes souvenirs qui valent bien plus que ma vie trop normale, je me laisse aller jusqu'à vous répugner, jusqu'à vivre seule avec vos fantômes. J'y trouve mon compte et c'est ce que je voudrais : simplement me laisser aller.

lundi 26 octobre 2009

2 ans déjà


And still wireless.
And stil no breathing.



samedi 24 octobre 2009

Dialogue du siècle

Chez L.

5h23


- Tu dors?

- Non.

- Tu penses à quoi?

- A dormir.

(silence)

5h37


- Et là, tu penses à quoi?

- Un ballon d'hélium. A ton avis, si un ballon d'hélium trop gonflé explosait, je serais quoi? Le ballon ou l'hélium?

vendredi 23 octobre 2009

Le Bonheur - Denis Robert


Un de mes amis, Ernesto, pense que ce qui unit avant tout un homme et une femme est la complémentarité entre nos organes de reproduction. Ernesto pense sérieusement que l'amour est une loterie biologique. Sa théorie rabâchée des dizaines de fois est obscène. Tu as déjà vu des couples mal assortis, une grande avec un tout petit, une belle avec une moche, comment expliques-tu ce phénomène? Selon Ernesto, Dieu aurait imaginé six ou sept milliards d'individus à prises mâle et femelle. Seule une infime proportion de sexe serait complémentaire. Cela ne tiendrait pas à la taille ou à la profondeur, ni au mouvement. Cela tiendrait à autre chose. Un phénomène chimique. Une magie hormonale. Une histoire de veine, de chaleur sanguine, d'humidification, de creux et de bosses. Ernesto parle de "capillarité".

Il dit aussi que le bonheur parfait dans un couple ne peut exister que par le sexe :

- On baise des dizaines de femmes dans une vie, et réciproquement. Comment expliques-tu que l'amour marche mieux avec certaines que d'autres? Ce n'est pas qu'une question de mental. Le sexe domine. On voit que tu n'as jamais connu ça, sinon tu ne parlerais pas comme tu parles. Tu intellectualises trop. Laisse-toi aller...

Jusqu'à ma rencontre avec toi, je trouvais ce genre de conversation stérile. Et Ernesto un peu débile.

lundi 19 octobre 2009

Portrait n°4



Quand Jules m'a quittée, je lui ai dit que ce n'était pas grave. J'étais triste, bien sûr, un peu triste à l'idée de devoir réorganiser ma vie que je trouvais plutôt bien ficelée. C'est tout. Ce n'était pas insurmontable.

Tout au long de notre relation, je m'étais bien gardée de lui dire que j'avais besoin de lui, jamais la faiblesse de dire que je tenais à lui. Les courses, je les portais toujours seule, même quand l'ascenseur était en panne. Juste pour lui faire comprendre que nos vies étaient séparées, qu'il n'aille pas croire que je serais comme ces femmes qui vivent à travers leur homme, accrochées à leur homme, qu'il n'aurait jamais ce pouvoir sur moi, jamais il ne pourrait disposer de moi, jamais acquise, au grand jamais aplatie. J'étais son égale, aussi forte que lui, aussi équilibrée avec lui que sans lui. Au fond, je m'arrangeais pour qu'il n'ait pas de place dans ma vie ; pour qu'il n'y entre jamais. Pour garder sous contrôle.

Son départ a été doux. Je me suis dit que je me retrouvais juste un peu plus seule qu'avant, et c'est tout.

Mes habitudes n'ont pas vraiment changé. Je pensais à lui, parfois. En montant les étages avec mes courses à bout de bras. Je m'arrêtais parfois au cinquième en me disant que mon indépendance n'avait plus beaucoup de sens, s'il n'y avait personne, là-haut, pour me dire "Tu aurais du m'appeler", personne à dire qu'on n'a pas besoin de lui.

J'ai tenu trois mois.

Un matin, je suis sortie acheter de la confiture de groseille. Je suis remontée dans mon appartement. J'ai essayé de l'ouvrir. Je n'y arrive jamais ; cette fois encore, ça n'a pas loupé. Alors j'ai pris un couteau à bout rond pour soulever le couvercle.

C'est là que j'ai craqué.

En même temps que le "pop" du pot.

J'ai lâché mon couteau avant de me l'enfoncer dans le ventre.

La vie, ce n'est pas ça.
La vie, ce n'est pas ça.
Ce n'est pas devoir utiliser un couteau à bout rond pour ouvrir un pot de confiture tout seul.

J'ai pris mon sac.
Je suis partie.
Toujours pas revenue.
Le pot de confiture doit toujours être ouvert dans ma cuisine.
J'imagine qu'il est pourri.
J'imagine les mouches, dessus.

Je n'ai pas retrouvé Jules.
En fait, je ne l'ai pas cherché.
J'erre seulement, de place en place, en espérant un jour apprendre à être dépendante.

lundi 12 octobre 2009

Portrait n°3


Je suis une fille qui marque pas.

J'explique tout de suite, avant qu'il y ait des malentendus. Le rouge à lèvre, par exemple, ben ça tient pas sur moi. J'ai beau étaler, des couches et des couches de couleur sur mon visage, ça disparait. Je marque pas. Mais bon, s'il n'y avait que ça. Je ne vous parle pas du mascara, du fard à paupière, le blush laissez-moi rire, rien, rien, rien sur ma peau.

Et les bleus, c'est pareil. On peut se dire que c'est pratique, esthétique, fantastique, on peut se dire que ça permet de cogner aux coins de la vie sans avoir peur puisqu'il n'y aura pas de traces. Sauf que je suis une fille qui marque pas, pas une fille qui ressent rien. Du coup j'ai mal, mais ça se voit pas. Et si ça ne se voit pas, comment voulez-vous que votre maman comprenne que vous êtes tombé pour de vrai, que c'est pas des manières si vous pleurez, comment voulez-vous qu'on vous console? Comment-voulez-vous qu'on prenne soin de vous si c'est pas marqué sur votre peau que vous en avez besoin? Comment voulez-vous qu'on fasse attention sans signalisation, sans panneau comme on voit sur les routes, des grands signes pour qu'on ralentisse et qu'on regarde? Comment voulez-vous qu'on arrête de vous frapper si votre corps fait croire qu'il peut encore?

Moi, j'ai toujours dit : si Dieu a voulu qu'on ait des bleus quand on reçoit des coups, c'est pas pour faire joli. C'est pour dire qu'il est temps d'arrêter.

Pendant longtemps, j'ai voulu forcer ma peau à se colorer. J'ai gribouillé mes bras, mes jambes, avec des stylos, des feutres, des marqueurs. Des tatouages, aussi. Vous imaginez pas combien de tatouages j'ai, en vrai. Bien plus que tout ceux des membres d'un club de motards réunis, je suis sûre.

Tout ça n'a rien donné, rien de rien, alors j'ai corsé l'affaire. Je me suis cognée sur des meubles, sur des murs, sur des poteaux, sur des abribus. Dans la rue, dès que je croisais quelque chose qui pouvait faire l'affaire, je fonçais dedans en faisant croire que j'avais pas bien les yeux en face des trous. Ca m'a valu des pommes mais toujours pas de bleus. Alors je me suis cognée aux gens. Dès qu'il y avait une bagarre, une mêlée, j'en étais, je me jetais dedans tête la première, dans l'entremêlement des corps, des coups de poing, des coups de pied. Je provoquais les pires brutes pour qu'elles me frappent plus fort, je trainais autour des stades, dans les pubs glauques, dans tous les coupe gorges de la ville, dans tous les coins louches. Je ressortais parfois ensanglantée mais toujours du sang des autres.

Alors j'ai supplié pour qu'on me morde, pour qu'on me griffe, pour qu'on me roue de coups, pour qu'on me blesse, pour qu'on me tue. Toujours plus, toujours plus fort pour être cabossée dehors comme dedans. Je comprenais pas cette peau qui voulait rien savoir, qui continuait à être vierge quand j'étais toujours plus sale.

J'avais pas pris les choses par le bon bout, faut croire.

Un jour, un garçon m'a embrassée, juste là, dans le cou. Et mon cou a bleui. Et tout mon corps a bleui. A fleuri. Des bleus, des bleus de partout, et puis toute l'encre que je m'étais griffonnée est remontée et ça a coulé, coulé, coulé comme ça pendant des jours et des jours, des fleuves d'encre qui gouttait de ma peau toute bleue. C'est là qu'on a compris que c'était pas que je marquais pas mais que j'absorbais tout. J'aurais pu en absorber encore longtemps, des coups.

Ma peau est redevenue normale quand elle a tout évacué. Mais aujourd'hui encore, à chaque baiser de ce garçon, un bleu éclot à l'endroit où ses lèvres se posent. Et je chéris ces bleus comme on chérit la vie quand elle est en couleur.


Theres was a boy / A very strange enchanted boy / They said he wandered very far, very far, over land and sea / A little shy / And sad of eye / But very wise was he / And then one day / A magic day he passed my way / And while we spoke of many things, fools and kings / This he said to me / The greatest thing / You'll ever learn / Is just to love and be loved in return

mardi 6 octobre 2009

On vous souhaite tout le malheur du monde, lalalala la la la la

Je préfèrerais que tu me blesses
que tu me laisses à moitié morte, claquer la gueule ouverte
Je préfèrerais que l'on s'insulte
qu'on se jette à la tête des tonnes de trucs
finir dans un bain de sang
dans les ordures lancées à la figure

Je préfèrerais qu'on se déteste
que tu préfères que j'disparaisse
Je préfèrerais que tu me fuies
remplacer par le dégoût l'envie
Je préfèrerais que tu aies peur
de me trouver à chaque erreur
Je préfèrerais toujours te voir
mais devenir ton pire cauchemar
Je préfèrerais cette fois avoir
toutes les raisons de t'en vouloir
Je préfèrerais que tu me cognes
plutôt que tu t'en cognes toi
Je préfèrerais être une conne
qu'une fille vaguement passée par là
Je préfèrerais avoir subi
les pires du pire des saloperies
Je préfèrerais être pourrie
être à présent ton ennemie
Je préfèrerais que tu ais peur
être synonyme de malheur
Je préfèrerais te détester
piétiner ta sérénité
Je préfèrerais te haïr
pour ta souffrance en ligne de mire
oeuvrer chaque jour à te détruire
au lieu de t'éviter le pire

Je préfère et de loin la haine
à ces lambeaux d'amour qui restent
à ces vieux déchets de tendresse
à la lie qui m'enlise dans des lits sans adresse

Je préfère et de loin la haine
qui elle au moins signifierait
que tu ne m'oublierais jamais.