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dimanche 16 janvier 2011

Recyclage pour un dernier "Battement d'Elles".

"J'appelle à la haine, au meurtre, au viol, et à la tuerie au massacre, à la furie, au Napalm."

J'ai la peau blanche et les yeux bleus. De longs cheveux qui descendent en cascade sur mes hanches rondes. J'ai la bouche rose et le teint frais, un rire cristallin et des dents aussi nacrées que les perles autour de mon cou. Vousne le voyez pas ? Je suis une princesse. Mon père me l'a toujours dit : je SUIS une princesse, une vraie. Sans les dragons et les tours à créneaux, certes, mais dotée de la délicatesse et de l'exeception que me valent mes attributs, peut-être symboliques mais néanmoins royaux.


Maintenant que vous savez tout de moi - ou presque - laissez-moi vous expliquer. Ce n'est pas que je sois à cheval sur le protocole, non, pas tant que ça, je vous assure. Mais il y a des choses que je ne tolère pas, vous comprenez, que mon rang ne peut pas... comment dire... souffrir ? Mon père lui non plus n'aurait jamais accepté ça. S'il savait...


J'ai connu des hommes, oui, bien sûr, comme toutes les femmes du XXIème siècle. Les princesses aussi se modernisent, il faut bien vivre avec son temps. Et sachez-le : des hommes, j'en ai rendu fous plus d'un. Mais tous ont été un peu trop... effrayés. Ils sont partis aussi vite qu'ils sont arrivés, les pauvres. Vous les auriez vu cavaler ! Par peur de ne pas être à la hauteur, évidemment. Les hommes sauveront toujours leur virilité avant de sauver leur vie, mais que voulez-vous... tous n'ont pas la carrure d'un roi !


Mais lui... lui c'était différent. Il avait tout de celui qui pourrait porter ma couronne. Un sourire d"or, des yeux qui portaient le monde à eux seuls. C'est sur sa peau si blanche, si pure que je me suis dit qu'il pourrait être mon nouveau Louis.


Oui, oui, j'en viens au fait, ne vous inquiétez pas. J'en viens à ce matin là. Il était là, devant moi, et comme ça, l'air de rien, il me dit : "A trois, je t'oublie." Je t'oublie, tout bêtement, me dit-il comme on boit une tasse de café. Vous voyez comme c'est absurde, n'est-ce pas ? Poser une telle vulgarité au milieu de nos deux tartines, c'était à n'y rien comprendre, vous ne me contredirez pas ? Et alors, il se met à compter le mufle ! Et il sourit, presque. Et c'est son sourire qui fait le plus mal, parce que je le connais, ce sourire, c'est le plus beau des sourires, et ça ne se peut pas, ça ne se peut pas que ce sourire serve à tuer des gens.


...


Mais pourquoi ils ne comprennent pas, putain, pourquoi ils ne comprennent pas ? Ils sont abrutis ou quoi ? Je suis une PRINCESSE, une PRINCESSE comme n'importe qui, comme tout le monde, et ce n'est quand même pas sorcier à comprendre qu'on n'inflige pas ça à une princesse, qu'on ne peut pas l'oublier comme ça, d'un claquement de doigt, dans un hoquet, dans un souffle. Est-ce qu'ils ont perdu un morceau de cerveau à la naissance ? Et l'autre, là, l'autre enfoiré qui me regarde avec son sourire niais, avec ses yeux d'imbécile, qui n'a même pas le cran de partir en brisant quelque chose, non, qui reste calme, poli, qui pense que ça passera comme une lettre à la poste son coup de "A trois, je t'oublie", juste parce que je suis une fille délicate, et sentimentale, et douce, et merde ! Il croit que je ne réagirai pas, que je le laisserai me piétiner comme ça, comme il veut, qu'il peut m'oublier parce que sa testostérone lui donne le droit d'aller chasser ailleurs ? Ca, je me suis dit, ça, il va voir si je suis toujours sa petite princesse, il va voir si on peut oublier si facilement, si on peut commettre le pire des crimes en toute impunité.


Il était là, et il comptait.


1... 2...


Il était hors de question, hors de question que je le laisse faire.


1... 2...


Le laisser me sortir de sa tête.


1... 2...


Je n'ai trouvé que ça : le vieux pistolet du tiroir de la cuisine.


1... 2...


Et je ne l'ai pas laissé dire trois.


3.


Voilà.


Ce n'est pas sur lui que j'ai tiré finalement. C'est sur moi. Il n'y avait pas de pire vengeance que de l'empêcher de m'oublier à tout jamais, vous ne croyez pas ? Je sais que je serai toujours dans ses pensées maintenant. Et croyez-moi : il est mal barré.

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