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mardi 15 septembre 2009

Naissance d'une groupie.

J'ai quatorze ans et j'ai enfermé une tempête dans une boite en PVC.

Je suis assise à la table d'une grande cuisine que je connais par coeur. Il est minuit passé ; la campagne dort autour de moi. La pièce est froide ; je suis raide. Je n'ai pas le choix.

Mon visage ne trahit aucune émotion. J'ai pris la décision, quelques mois auparavant, de ne plus rien laisser paraitre, de m'adapter au bonheur des autres.

Ce soir, je suis seule, assise à la table de la cuisine et je respire difficilement. L'écran de télé sur ma droite flashe des images bleutées sur mon profile impassible. Je ne regarde pas. Plus rien ne m'atteint. Tout se cogne à ma coque en plastique.

C'est un exercice difficile. Ca a été long et douloureux de tout ramener, tout rassembler pour que plus rien ne dépasse. Comme les filaments blancs qui s'échappent des coquilles d'oeufs quand elles se cassent dans la casserole. Je récupère mes filaments et les bourre entre mes murs.

J'ai quatorze ans et mon visage est impassible.
Je n'ai pas pleuré depuis des mois. Ri encore moins. Tout se passe quelque part entre ma peau et mon corset. Ca gronde, parfois ça tremble. Mais au fur et à mesure, j'ai aussi appris à contrôler les soubresauts.

J'ai quatorze ans
... et puis trois notes.

Et puis trois notes et ça explose sans que j'aie bien compris pourquoi, sans que j'aie bien compris comment.
Sans maîtrise.
Mon corps condamné s'affaisse dans son étau
je m'écroule sur la table
mes joues se salent
mes joues se tendent
j'écris un mot sur un papier, un mot vu sur l'écran télé.

J'ai quatorze ans et la tempête m'a emportée
comme elle m'emporte ce soir au moment où je revis enfin, sans bien comprendre pourquoi, sans bien comprendre comment.
Sans maîtrise.

Et je revis comme ce soir là quand j'avais encore quatorze ans
en réalisant
que je suis encore capable de
sentir
que je suis bien
vivante.

Je n'ai jamais su expliquer pourquoi..

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