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mardi 14 octobre 2008

Atelier d'écriture n°1 (bis) : faire parler l'humain d'une image.

* Le monologue de la femme fautive. *

"Ce mec-là, si je l'ai touché, c'était pour t'oublier quelques instants, pour te chasser loin de ma tête, que là-dedans, t'as tout mis, tout foutu dessus dessous. T'as pas le droit de rester planté là, à moitié somnolent entre deux eaux, deux images. Faut que tu fasses place nette, je veux t'oublier un peu. Allez, juste le temps d'aller pisser tranquille. Donne-moi un peu de temps devant moi. Je vais bien me griller tout ça, toutes ces idées noires qui grésillent. Je l'ai pas bien touché ce mec, tu sais, je l'ai même pas regardé, je l'ai juste pris comme un cachet, comme un cachet pour t'oublier."

C'est pas exactement ça. Je ne sais plus pourquoi j'ai fait ça, mais c'était peut-être pour te rappeler à moi. Il avait la même odeur, tu vois, j'aurais presque pu confondre. Là, dans le noir, c'est ton fantôme que j'ai voulu embrasser. C'est de ta faute, tu vois, il fallait pas casser le fil, me laisser là sans rien comprendre, avec ce morceau de ficelle mou et plus rien au bout. C'était pour me consoler, je me suis accrochée à lui. Comme le naufragé à son radeau ; comme un kamikaze à sa prière.
Aujourd'hui, j'ai nagé pendant des heures en espérant que le chlore pourrait dissoudre mon humiliation. Je ne suis pas ce genre de fille, tu vois, qu'on câline sans penser à mal. J'ai trop de poitrine, tu vois, trop de gras à tripoter pour qu'on se contente de me serrer. Ca dépasse toujours. Il n'y a pas de bras assez grands pour ça. Ils me font rire, tous autant qu'ils sont, à baver, l'oeil luisant, à frétiller de la queue en déguisant leurs conneries de pulsions physiologiques derrière...
Non, attends, laisse-moi finir. Je suis allée acheter ton parfum, après. J'en ai versé sur mes poignets. Je sens l'homme, maintenant. Et à l'endroit que j'ai parfumé à l'odeur des souvenirs, il y a une marque brûlante, comme si c'était toi qui me touchais, là, dans le creux de la main. J'ai pas de mots pour te dire tout ça, j'ai pas de mots pour te dire que je ne peux pas te parler parce que je ne te trouve pas.
Oui, je l'ai touché ce mec, pour me faire croire que tu existes encore, que tu es bien vivant quelque part. Maintenant, je veux me noyer dans cette odeur. Je vais m'asperger de parfum et avaler le flacon entier, oui, le flacon entier pour avoir l'impression que tu es en moi. Je vais avaler le flacon entier et hurler ton prénom avec mon haleine qui exhalera ton parfum, pour te redonner corps, consistance. Je vais hurler jusqu'à ce que la honte et le dégoût s'évaporent, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien là où ça palpite.
Pardonne-moi, je t'en prie, pardonne moi. Je ne voulais pas faire de mal. Je voulais juste exister, au moins une nuit. Bien sûr que ça n'a pas marché, bien sûr que c'était un moyen de détruire les quelques ruines qu'il reste de... Je l'ai toujours su mais je n'ai plus rien... alors peu importe, tu vois, peu importe. Peu importe les blessures tant que...
Rien.
Simplement... peu importe.

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