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jeudi 27 août 2009

In bed with Nana

Pour ceusses et celles qui souhaiteraient vivre en différé l'incroyable séjour de Jeannine, mon alter ego, à San Francisco, c'est maintenant possible grâce aux "résumés de Jeannine".

http://nanaswayoflife.blogspot.com/

Parce que "A post a day keeps the oblivion away", et que ça permet de prolonger les vacances.

jeudi 6 août 2009

Crise mystique


"Personne ne savait que Tante Mélie était en train de perdre la boule, que lorsque nous tournerions le coin de la rue elle fondrait en avant comme un renne, et mordrai un morceau de la lune. Arrivée au coin, elle fondit en avant comme un renne, et se mit à hurler : "La lune! La lune!" - et sur ces mots son âme rompit ses liens, et jaillit tout net hors du corps. Quatre vingt six millions de kilomètres à la minute! Là-haut, la-haut, vers la lune, et personne assez prompt de penser pour l'arrêter. Voilà comment ça arriva. Le temps d'un clignement d'étoiles."
Henri Miller - Le Tailleur


Henri Cartier Bresson est fort.

Je m'intéresse assez peu à la photographie : j'aime les regarder, apprécier leur côté esthétique ou les accrocher chez moi, mais elles me bouleversent rarement. L'image photographique reste une anecdote qui touche mon oeil mais pas le reste. Sans rentrer dans une analyse universitaire de vingt pages sur le sujet, je me contenterai de suivre la pensée de Francis Bacon lorsqu'il estime que la photographie, unidimensionnelle dans son essence même, ne saurait nous titiller au-delà de nos pupilles. Le système nerveux et la chair qui ressentent ne sont pas atteints.

Bref, voilà pour la caution intellectuelle ; je garderai le développement pour mon mémoire.

Toujours est-il que Henri Cartier Bresson est fort.
J'ai découvert un aspect de son oeuvre que je ne connaissais pas : les photographies "à la sauvette". Autrement dit, HCB - pour les intimes - ne compose pas : il n'arrange pas les personnages ou les éléments qu'il veut immortaliser. Il voit quelque chose et CLAC, il sort l'oiseau. Ou bien il attend des heures, l'oeil rivé sur son appareil, que quelque chose se passe. Et généralement, quelque chose se passe, quelque chose de magique. Ce quelque chose, ce peut être deux femmes en noir passant exactement sous deux sculptures de femmes en blanc, dans la même position, sur le fronton d'un bâtiment. Ce peut être un reflet étrange qui donne l'impression qu'une vue plongeante sur les arbres et en fait celle d'une mare. Ce peut être un homme endormi sous un dessin qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Le sourire d'un homme, le sourire d'une femme.

Ce que HCB photographie, c'est la magie du quotidien, la magie qui se trouve dans chaque instant et qu'il nous faut apprendre à voir. Ce n'est pas un tour de passe passe, HCB était juste là, à attendre que l'extraordinaire se manifeste. Et l'extraordinaire se manifeste constamment! Nous le verrions si nous n'étions pas étouffés par notre propre toute petite personne grisâtre, obnubilés par le bout de nos pied et le trou dans nos chaussettes. La merveille est là, le merveilleux est partout, dans toutes les compositions instinctives que prend la vie. HCP le dit mieux que moi : "C'est l'évènement par sa fonction propre qui provoque le rythme organique des formes." Un évènement se passe, et les conséquence, ou plutôt les preuves tangibles que cet évènement est là, présent, peuplent notre quotidien et le rendent plein de magie. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Il existe un ordre des choses, des pistes magiques qui nous emmènent où nous devons aller.

Je suis assise à une table du Starbucks de la rue de la Roquette, le même que le 20 juin dernier avec le même Caramel Macchiato. Ce qui a changé? La bande sonore : Like Jane de Rodriguez. Piqure de rappelle pour me dire que non, c'est loin d'être fini, que la magie est là mais qu'elle a sûrement été utilisée à mauvais escient. Mais elle et là ; et le film que je vais voir quelques jours plus tard me le confirme. Oui, la vie est bourrée de hasards merveilleux auxquels je dois croire. Il y a des choses que nous devons faire, des êtres que nous devons aimer et les signes nous le rappellent : c'est une évidence. J'ai quitté des hommes que j'aimais encore parce que tout me disait que nous ne pouvions plus vivre de cette façon, que tout avait été construit sur la voie que nous avions prise et qu'il n'y avait plus rien à faire. Qu'il fallait trouver une autre voie. D'autres m'ont quittée mais tout me dit que nous n'avons pas tout vécu. Que reste-t-il? Du beau? Du laid? Je ne sais pas mais c'est là la magie de notre monde, et c'est elle que je veux.

J'ai essayé de laisser tomber ces idées et de flirter avec le sol, de ne penser qu'en termes de réseaux sociaux équilibrés basés sur des trocs d'amour au rabais auxquels on se laisse aller par paresse, "tant que ça marche". C'est peut-être un mode de vie ; ça ne peut pas être le mien. Moi, je veux continuer à croire à la magie et ce n'est pas parce que tu n'avais pas la bonne potion que je dois cesser d'y croire. Je veux, moi aussi, saisir la magie à bras le corps et la savourer. Cette magie existera pour moi. La vraie. Pas les ersatz d'amoureux en strass et paillettes qui m'ont intoxiquée avec leurs plumes synthétiques.

Alors je saute sur le marche pied et je m'envole à nouveau loin du bitume. Je m'excuse, je m'excuse auprès de ceux qui tiennent vraiment à moi et qui s'inquiète de mon fonctionnement, de ne plus jamais me revoir. C'est un choix. Aux éraflures des cailloux, je préfère les gifles des airs.

Et puis zut, ça m'embêterait de mourir sans avoir prouvé que j'avais raison. Sans avoir eu ma part de magie. Ca m'embêterait de mourir sans avoir eu raison.

mercredi 29 juillet 2009

Ventre à terre


Il fallait une sacrée dose d'amour tout de même vous trouvez pas oui une sacrée dose d'amour pour un sacré miracle mais c'était naturel après tout évident je m'y attendais un amour comme ça ça pulvérise tout ça va au delà de la logique des hommes au-delà de la barrière des sciences qui veut brider la nature mais quand c'est l'amour qui parle quand c'est l'amour y'a plus d'hormones y'a plus de latex y'a plus que des corps qui se veulent au delà de tout des prises de têtes et des magouilles dégueulasse y'a que des corps qui s'aiment et nos corps se sont toujours aimés ça je l'ai toujours su malgré tout ce qu'il a pu dire nos corps se sont toujours aimés c'était évident naturel aimés partout tout le temps dans toutes les positions dans tous les recoins ce sont les corps qui parlent pas la tête et son corps voulait vivre en moi et mon corps voulait sa vie en lui et quand c'est le corps qui décide on n'y peut rien et c'est comme ça on n'y peut rien et c'est comme ça c'est comme ça c'était sûr parce que moi j'ai jamais aimé avec le cœur le cœur ça va ça vient moi j'aime avec le ventre et mon ventre il a toujours été affamé de lui à le réclamer toujours alors je mordais je mordais pour nourrir mon ventre qui voulait que lui et rien d'autre même le chocolat ça allait pas c'était sa peau à lui alors non je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant à ce que mon ventre ait voulu le retenir piquer un bout de lui pour le planter et le laisser me pulvériser le planter pour que ça grandisse là comme notre amour comme notre petite merveille qu'on aurait appelée je sais pas qu'on aurait appelée comme il aurait voulu Anna Lou Manon Léo Elsa Louise Théo Maxence Lucas Noémie Anouch Paul Cassandre Yann Mélina Arnaud Guillaume Pablo Sevan Nora qu'on aurait appelée à l'image de notre amour parce que comme notre amour on n'y croyait pas mais alors pas du tout et comme notre amour il est parti et il a emmené avec lui notre petit Annaloumanonléoelsalouisethéomaxencelucasnoémieanouchpaulcassandreyannmélinaarnaudguillaumepablosevannora il a tiré le fil et il est parti alors la merveille aussi elle n'a pas tenu comme notre amour qu'il a emporté parti avec la vie la vie de la merveille parti par là où il était rentré et notre petit Annaloumanonléoelsalouisethéomaxencelucasnoémieanouchpaulcassandreyannmélinaarnaudguillaumepablosevannora au fond des toilettes comme une petite boule qui flotte un bouchon qui m'a débouchée là au milieu du Canard WC notre amour de chair à la chasse que c'est encore moi qui dois tirer la chasse que c'est moi qui dois chasser la merveille dans les canalisations et dire adieu et merde adieu et merde en silence adieu et merde dans la cuvette adieu et merde c'était peut-être un peu trop beau.

mercredi 22 juillet 2009

La femme sans sexe Pt.3 : Ni homme, ni femme, nitroglycerine.


* Macho macho man *


Tu as fait de moi une femme.
Je veux que tu l'oublies.
Tu m'as rendue belle et douce et tendre.
Je veux que tu l'oublies.
Tu m'as rendue faible.
Ca n'arrivera plus.

Je veux que tu oublies que j'ai été capable
de sourire de rire de toucher d'abandonner d'attendre capable d'admirer capable de croire capable de laisser faire capable d'être aveugle.

Je veux que tu oublies
que tu ne gardes de moi que l'image la plus laide la plus dégueulasse
l'image la plus mâle.

Je veux qu'il ne te reste
que le dégoût et l'amertume d'avoir baisé un homme
que des crachats et des souvenirs foulés
que gâchis et erreur de parcours
que ruines

pour barbouiller d'immonde tout ce qui a été
pour qu'il n'y ait plus de traces des anciennes cités d'or.

Alors
je coups mes cheveux je coupe ma parole je coupe la conversation je coupe ma peau je coupe ma faim je coupe mon envie je coupe mon téléphone je coupe mes écrans plasma je coupe la dignité je coupe le chauffage je coupe l'aération je coupe l'ascenseur je coupe les fils je coupe le souffle je coupe je tranche je coupe je tranche à coups de dent s'il le faut à coups de sang avec mes ongles avec mes lames avec tout ce que j'ai je coupe je tranche je coupe je tranche je coupe les ponts

entre moi et ma féminité
entre moi et ma mémoire
entre moi et moi.

vendredi 17 juillet 2009

Vingt quatre heures de la vie d'une femme.

"Et je sens de nouveau avec effroi quelle substance faible, misérable et lâche doit être ce que nous appelons, avec emphase, l'âme, l'esprit, le sentiment, la douleur, puisque tout cela, même à son plus haut paroxysme, est incapable de briser complètement le corps qui souffre, la chair torturée - puisque malgré tout le sang continue du battre et que l'on survit à de telles heures, au lieu de mourir et de s'abattre comme un arbre touché par la foudre."

Stefan Zweig


Maintenant, j'ai appris la laideur.

Et je deviens laide
c'est pire
pire que tout ce que j'ai pu voir
pire que tout ce que j'ai pu voir
ne me faites plus croire
que
ça vaut
quelque chose
ne me faites plus croire
qu'il faut tenir
pour toucher le meilleur
ne me faites plus croire
que nous en sortirons un jour.

Nous sommes tous des monstres.
Nous sommes tous des monstres.

Nécrophages.

Une bouilloire électrique
ça ne se met pas dans du papier bulle
ça ne se met pas sur une étagère
ça ne se met pas dans un écrin
ça ne s'offre pas
ça n'est pas esthétique
ça n'est pas sentimental
ça n'est pas lié à des souvenirs
ça n'est pas intéressant
ça n'est pas indispensable
ça n'est pas inoubliable
ça n'est pas irremplaçable
ça n'est pas marquant
ça n'est pas respectable
ça ne satisfait pas.

Une bouilloire électrique
c'est juste pratique quand on a besoin de se faire cuire un oeuf.

mercredi 15 juillet 2009

La femme sans sexe Pt.2 : La femme au foyer


Je pense que si j'attends comme ça sans bouger d'un poil
j'arriverai à ralentir le temps
les secondes deviendront des minutes
les minutes des heures
et les heures des après-midi entières à t'attendre au milieu de tes affaires
à t'imaginer dans une autre sphère que je ne connais pas
moi qui appartiens à un autre temps
un temps d'abandon entre quatre murs blancs où les vêtements sont prohibés
où tu quittes ta veste dès le seuil franchi.

J'aime t'attendre là au milieu du lit défait
les yeux au plafond
imaginant
ce que tu me feras
quand tu rentreras
imaginant
ce que tu fais
pendant que j'imagine tes doigts sur moi.

Je passerais ma vie entière à t'attendre là
hors du monde
cachée
n'appartenant qu'à toi
n'attendant que toi des jours et des jours durant
je me couperais du monde
ne serais qu'un fantôme pour tout ceux qui m'ont connue
sauf pour toi
toi
qui me réveilleras chaque soir
d'un coup de langue
d'un coup de lèvre.

Je n'arrive plus à rien faire d'autre qu'à
t'attendre.

Je crois que
tu réveilles mes gênes de femme au foyer
je crois que
redevenant une femme je redeviens soumise.

Nobody sees tears when you're standing in the storm.


"Lorsque mon âme et mon corps ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture"


Je cours toujours un pied devant l'autre
avec du sang entre les dents
avec les ongles dans les paumes
avec le souffle dans les tempes

Je cours toujours sans m'arrêter
jusqu'à ce que l'alchimie de mon corps
me fasse oublier que je cours
que la douleur dépasse l'effort

Je cours
pour l'anesthésie progressive

Je cours toujours contre le temps
parce que je ne guérirai pas
parce que la bête est incrustée
parce que c'est elle qui restera

Je cours contre les aménagements
contre les solutions en toc
contre les faux sourires et les breloques
qui chassent le mal(e) mais ne le tuent pas

Je cours pour pas prendre soin de moi
je cours pour pas voir le chemin
je cours pour provoquer la fin
pour pas qu'elle parte plus loin

Je cours
pour l'anesthésie progressive

Je cours comme un oiseau face au vent
supporté contre la tempête
je cours pour l'immobilité
contre le temps et ses arrêtes

Je cours contre le mouvement
en provoquant des tourbillons
des rires, des semblants d'intention
des attitudes pour l'altitude

Je cours pour surtout pas tomber
je cours pour surtout pas crever
je cours pour surtout pas m'crasher
tout en bas à six pieds sous terre
où l'anesthésie ne suffit plus
à faire oublier les dents des vers.

("En fait, c'est assez simple. J'ai eu l'idée en courant. Quand tu cours, les premiers temps sont difficiles, douloureux. Et petit à petit, ton corps accepte le rythme et tu oublies le mal. C'est les hormones, je crois. Ou l'hyperventilation. Enfin tu vois le truc. J'appelle ça : la technique de l'anesthésie progressive. Aujourd'hui, je sais que je ne guérirai pas. Il y aura toujours des traitements, des aménagements, des arrangements, du bricolage, des solutions toc à durée de vie limitée, mais la bête noire, elle, ne disparaitra jamais. Elle est définitivement là, ancrée dans toute ma chair. Alors plutôt que de prendre soin de moi, je soigne le mal par le mal. J'applique la technique de l'anesthésie progressive. Ne jamais s'arrêter, appuyer toujours plus fort là où il y a un problème, jusqu'à ce que le seuil de tolérance soit dépassé. Alors hormones ou hyperventilation et tu ne te rends plus compte de rien. As-tu déjà observé les mouettes dans la tempête? Elles se mettent face au vent et se laissent porter. Elles sont immobiles, elles n'avance pas, ne reculent pas / mortes \. L'idée n'est pas forcément d'être en mouvement. Mais qu'il y ait en tout cas suffisamment de tourbillons pour rester en altitude. Tant qu'il y a du vent, tout va bien. Mais quand ça s'arrête? C'est quand ça s'arrête que la chute est dure et on n'est jamais assez anesthésié pour supporter un crash à mille mètres du sol. Alors en attendant, je vais reprendre un verre en même temps que ma course pour pas que le vent retombe.")